Mon intervention sur le projet de loi bancaire (2ème lecture)
Le 27 juin 2013
Le mercredi 26 juin, je suis intervenu sur la deuxième lecture du projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires, amendé par l’Assemblée nationale. Bien que l’ambition, très loin de celle affichée au départ, peut aujourd’hui constituer un point positif car plus modeste, la seconde lecture au Sénat ne nous a pas permis de répondre à plusieurs de nos interrogations concernant notamment la garantie des dépôts, le financement des agences régionales et les questions relatives à la transparence. Lorsque nous aurons des réponses et que ces différents éléments nous seront précisés, nous prendrons la décision de voter contre ou de nous abstenir.
Vous trouverez ci-dessous mon intervention lors de la séance publique :
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes saisis en deuxième lecture d’un texte dont le titre semble quelque peu mal choisi, au moins pour l’un de ses termes. Annoncer la « séparation » et la régulation des activités bancaires est porteur de grandes ambitions – cet affichage fait partie de la communication habile du Gouvernement –, mais la réalité est tout autre. Ce texte est très largement celui des ambitions déçues et des promesses non tenues.
De véritable séparation des activités bancaires, il n’en est point question ! François Hollande l’avait pourtant promise, son ennemi déclaré étant le monde de la finance. Son engagement n° 7 était l’une des applications de cette doctrine : « Séparer les activités des banques qui sont utiles à l’investissement et à l’emploi, de leurs opérations spéculatives ». C’était alors une promesse forte.
Or que nous propose ce texte ? Aucune séparation stricto sensu, mais une simple filialisation des activités spéculatives, concernant uniquement le compte propre des établissements bancaires. La réalité, c’est que ce texte est un coup d’épée dans l’eau, dénoncé par vos propres alliés. Nous nous en félicitons, car ce retour à la réalité est sans doute salvateur.
Ce texte s’est donc finalement écarté de son objectif déclaré et a été l’occasion d’inclure des mesures très diverses, concernant par exemple le financement des collectivités territoriales, l’assurance emprunteur ou le compte du défunt. Il comporte d’ailleurs des avancées : je pense notamment à la protection du consommateur. Le plafonnement des frais bancaires est un point positif, et l’imposition d’une limite par mois et par opération en fait une mesure raisonnable et équilibrée.
Pour ce qui est de la question du double plafond des commissions d’intervention, pour les consommateurs les plus fragiles et pour les autres, notre groupe s’abstiendra. L’Assemblée nationale a une vision différente de celle du Sénat, et je crois que les arguments en la matière se valent. Cela étant, les difficultés d’application énoncées par les députés sont en partie résolues par l’application du critère de l’attribution des moyens de paiement alternatifs ou des services bancaires de base.
Concernant l’apport du Sénat relatif au financement des collectivités territoriales, nous nous félicitons que les députés ne soient pas revenus sur ce que nous avons voté. Je rappelle que l’agence de financement des collectivités territoriales, que l’Association des maires de France avait appelée de ses vœux, prendra la forme d’une société publique dont les collectivités territoriales détiendront la totalité du capital. Elle aura pour unique vocation de financer ses actionnaires, par l’intermédiaire d’une filiale. Pour ce faire, cette dernière lèvera des fonds sur les marchés financiers français et étrangers, essentiellement sous forme d’obligations.
L’objectif est double : lancer des emprunts groupés, afin de permettre aux plus petites collectivités de profiter des conditions d’emprunt avantageuses des plus importantes, et réduire la dépendance des collectivités au financement bancaire.
En première lecture, notre groupe ne s’était pas opposé à la création de cette agence, mais nous avions posé une condition, que nous réitérons, madame la ministre. Nous vous avions mis en garde, car la rédaction du texte offrait la possibilité de créer plusieurs agences de financement différentes au niveau local, avec le risque que cela ne dépende des couleurs politiques, ce qui serait contre-productif en termes d’efficacité. En séance, M. le ministre nous avait confirmé que l’esprit de cette disposition était bien de ne créer qu’une seule agence. Nous en attendons confirmation, et nous vérifierons cela dans la pratique. En définitive, nous le voyons, ce texte se résume au reniement d’une promesse, qui n’a rien de bien révolutionnaire, à quelques avancées réelles, ainsi qu’à une certaine continuité et à une crainte.
Le projet de loi s’inscrit dans la continuité, car il est marqué, de fait, par un contexte international tendant au renforcement des normes prudentielles : exigences en capital, mise en place de nouveaux ratios de liquidité avec Bâle III et la directive CRD IV à partir du 1er mars 2014, supervision unique des banques par la BCE dans la zone euro – nous venons d’ailleurs d’avoir une intéressante rencontre avec le président de la BCE, sur l’initiative du président du Sénat – et par l’Autorité bancaire européenne dans l’ensemble de l’Union, par ailleurs chargée de prévenir les défaillances des établissements financiers, et, enfin, prochaine union bancaire dans la zone euro. Le contexte international se caractérise donc par le renforcement d’un certain nombre de normes.
Continuité également dans la mesure où ce texte s’inscrit en partie dans le droit fil du travail entamé sous le précédent quinquennat. Il ne fait en réalité que compléter la réforme bancaire que nous avions engagée en 2011, sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, avec la loi de régulation bancaire et financière. À une différence près, qui est notable, et qui est l’objet de notre crainte : la régulation bancaire resterait imposée par anticipation aux banques françaises, ce qui pourrait les mettre en grande difficulté.
Autant nous reconnaissons que l’extension de l’obligation d’information imposée aux grandes entreprises françaises implantées dans les paradis fiscaux ne sera applicable qu’à compter de l’entrée en vigueur d’une disposition adoptée par l’Union européenne et poursuivant le même objectif, autant il n’en va pas de même pour les banques françaises, qui seront concernées par cette obligation dès le 1er janvier 2014 pour une part, puis le 1er janvier 2015 pour l’autre. Elles courent donc le risque de se retrouver dans une situation concurrentielle défavorable au niveau européen, avec le retard pris dans la finalisation de la directive CRD IV.
Comme l’a relevé le président de la commission des finances, les distorsions de concurrence sont aggravées par le report de la mise en œuvre des règles de Bâle III au 1er janvier 2013 par les États-Unis. Or un certain nombre d’initiatives, acceptées par les banques, ont été prises depuis la crise au niveau européen et entraînent des bouleversements profonds pour le fonctionnement des établissements bancaires. Il faut donc veiller à ne pas rajouter trop de contraintes, car cela réduirait encore les capacités de financement et risquerait de fragiliser les activités de la banque de financement et d’investissement. Cela pourrait avoir pour conséquence directe une hausse du coût des crédits pour les entreprises, qui ne pourront sans doute plus négocier des tarifs globaux, ainsi qu’une vraisemblable hausse du coût des opérations du fait d’une augmentation du coût de refinancement des banques. Ainsi que je l’ai déjà relevé brièvement, cela ne sera pas sans conséquence sur les capacités de financement des collectivités territoriales.
C’est pourquoi il importe de conserver des réseaux bancaires français puissants, capables de proposer aux entreprises la palette des services dont elles ont besoin à des coûts compétitifs. L’existence de banques françaises puissantes et fortement internationalisées est un facteur de compétitivité pour notre pays. Vous le savez, les députés UMP ont proposé, en deuxième lecture, soit de différer l’entrée en vigueur de l’obligation de transparence imposée aux banques françaises, afin de coordonner celle-ci avec l’évolution de la régulation dans les autres pays européens, soit de la conditionner à un principe de réciprocité dans l’espace concurrentiel européen. Mais le Gouvernement s’y est opposé.
Même si le projet de loi permet quelques avancées – il n’est cependant pas révolutionnaire ! –, la question de la réciprocité, ô combien importante, pose un sérieux problème pour nos banques. À un moment où le financement de notre économie est vital, nous ne pouvons donc nous résoudre à accepter la solution proposée.
Par ailleurs, nous souhaiterions, madame la ministre, que vous nous apportiez des éclaircissements sur un point. L’utilisation par l’ACPR du Fonds de garantie des dépôts, renommé Fonds de garantie des dépôts et de résolution, pour soutenir des établissements bancaires en cas de défaillance peut-il entraîner un risque de remise en cause de la garantie des dépôts bancaires pour les épargnants ? Si tel est le cas, cela est inacceptable. Veillons à ne pas remplacer le système de garantie des dépôts, qui fonctionne, par un système de résolution, qui, certes, modifierait le paysage bancaire, mais dont la finalité ultime ne serait pas de garantir les dépôts des épargnants.
Madame la ministre, nous attendons des réponses sur ces différents points. À défaut de réponses positives, le groupe UMP votera contre le projet de loi.
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